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Chroniques de la Mémoire
des Hautes-Pyrénées

N° 55-56-57

Argelès-Gazost (H.P) - col. Claude Larronde

Vous avez dit "trop petite"...


Après son sacre, en 1804, Napoléon demande à chaque Préfet d'établir un état des lieux de son département. Pour les Hautes-Pyrénées, Pierre Laboulinière, secrétaire général de préfecture, s'y colle. Ainsi, l'Annuaire statistique nous apprend que le département est traversé par 22 grandes routes achevées ou ébauchées dont les plus importantes aboutissent au chef-lieu. Les routes achevées totalisent 551 km, les autres, 107 km environ. Divisées en quatre classes, la première est celle de Paris aux eaux thermales de Barèges, par Auch, Tarbes, Lourdes, Argelès, Pierrefitte et Luz avec deux communications vers les thermes de Cauterets et Saint-Sauveur. Puis, 3 grandes routes de 2e classe : Toulouse à Bayonne par Montréjeau, Lannemezan, Tournay, Tarbes, Pau ; Auch à l'Espagne par la vallée d'Aure et Bordeaux à Bagnères par Aire, Madiran, Maubourguet, Vic-Bigorre et Tarbes. Ajoutons 2 routes de 3e classe : Toulouse à Tarbes par Martre, Boulogne, Castelnau-Magnoac, Trie et Auch à Pau par Marciac, Maubourguet et Lembeye. Et 16 autres grandes routes "fort larges et bien tracées" dues à l'administration de Maigret d'Étigny. Pas si mal pour une sénéchaussée "trop petite" que les coupeurs de territoires en quatre voulaient soustraire à la volonté de Bertrand Barère. 

Les grandes routes...

et les autres

L'Annuaire statistique de Pierre Laboulinière nous apprend que l'entretien des routes classées n° 4 n'était pas pris en compte par le gouvernement. Et non plus par les communes à cause de leur pauvreté. "Il serait à désirer que l'on prolongeât les deux routes de Barèges et de la vallée d'Aure, jusqu'au-delà des monts" écrivait le Secrétaire général de la préfecture et "le département y retirerait beaucoup d'avantages". Mais avec quel argent canaliser rivières, ruisseaux et torrents, si souvent sujets à débordements avec renversement des digues, chaussées et ponts. Les ouvrages durables étaient à la merci d'une fonte subite de neige ou d'un orage local. Les chemins vicinaux, extrêmement nombreux dans le département, impraticables l'hiver par manque d'entretien, depuis 1789. Ils menaçaient de s'effacer tant les riverains avaient pris l'habitude d'étendre leurs champs aux dépens de la voie publique. Il faudrait bien 750 000 F pour les réparer. Après la belle chaussée réalisée sur le pont de Tarbes, en 1802, il faut rendre la route de Tarbes à Lannemezan praticable. Le Préfet fait appel aux communes voisines pour exécuter les travaux et y emploie 100 000 F dus à ces villages pour indemnité de grêle "dont ils font volontiers l'abandon". Comme abandonnée, la route de Lourdes à Bagnères sera rendue praticable pour les voitures, après les réparations de 1804. Allez, roulez...

Pont sur l'Adour à Tarbes

col. Jean Dupuy

Buvette du Casino de Capvern-les-Bains

col. Claude larronde

Parlez-moi des eaux de Capvern

Dans son dernier ouvrage, Michel Dupeyre rappelle les vicissitudes des stations thermales dans les Hautes-Pyrénées. Ainsi, les bandouliers, brigands qui écumaient la lande du plateau de Lannemezan, contrarièrent pendant longtemps l'exploitation de la source de Capvern. Encore en 1742, on conseillait aux voyageurs de passer par Trie, Castelnau Magnoac et Boulogne-sur-Gesse pour se rendre de Tarbes à Toulouse. Peu à peu, les redoutés malfrats furent arrêtés et le développement reprit. En 1807, les eaux de source sont recueillies dans 7 ou 8 baignoires en bois qu'abrite "un édifice mal construit". Une fontaine coule en cloche et sert pour la boisson. Malgré cette rusticité, 300 personnes fréquentent les bains. En 1817, les baignoires sont en pierre et le préfet Chazal pousse à la construction d'un nouvel établissement à partir de la source Hount Caoute. Trois maisons accueillent les baigneurs à côté de la source, les autres logent au village. Le chemin entre les deux points "est jugé par tous éprouvant". En 1822, 556 étrangers sont recensés et, dans un mémoire, le docteur anglais Farr vante d'abondance les vertus curatives du précieux liquide. En 1865, un slogan fait fureur dans la station : "Si ta vessie est menacée, Capvern sera ta panacée". Ils seront 2 800 à y croire. Sept années plus tard, le succès populaire est si fort que l'on confie au banquier bagnérais Soubervielle la concession des eaux de Capvern. Il fera faillite en 1880, mais qu'importe, la station était lancée : casino, salle d'armes, orchestres, brillantes soirées, beautés emplumées… la Belle Époque quoi !