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Chroniques de la Mémoire
de Vic-en-Bigorre

N° 118-119-120

Croix de la Mission de la route de Tarbes
cliché Claude Larronde
 

Des vicquois pas très catholiques...

avant la Révolution

Curieusement, il n’y a aucune procession en dehors de la ville, aucune dévotion particulière, aucun pèlerinage organisé par la paroisse. Pourtant, le vicquois est catholique. Il plante des croix aux entrées de la ville, aux carrefours et incite «l’étranger» à faire de même à son arrivée. Il processionne, en ville, pour parader. Les Consuls et les gens du Roi - gens de justice - sont en tête, sur la file de droite, le corps municipal, 1er Consul en tête, sur la file de gauche. Le premier magistrat porte la robe violette ou le « chaperon sur le col ». Même aux enterrements des notables, on marche par rang de trois. Au centre, les membres de la famille ; à droite, les gens de justice ; à gauche, le corps municipal. Quel contraste avec les processions du XIXe siècle ! Les croix de mission de la route de Silhac et de Tarbes qui marquaient la séparation des quartiers de Silhac, La Rotis - place de Verdun - Junquet - quartier englobant le Baradat - drainaient la grande foule. Elles étaient une étape pour les processions des Rogations - période de trois jours avant l'Ascension où l'on implorait Dieu pour le travail des hommes et l'obtention de bonnes récoltes. Le trajet du cortège partait de l'église Saint-Martin vers la croix de mission de la rue de Silhac puis vers la croix de la Montjoie, sur la route de Rabastens, pour la Fête-Dieu - fête du Saint-Sacrement ou du Corps du Christ - jeudi suivant la Trinité - 1er dimanche après la Pentecôte - où les quartiers nord et sud étaient visités, alternativement, une année sur deux et pour l'Assomption de la Vierge-Marie - le 15 août, la Vierge monte corporellement au Ciel - où la procession sortait de l'église Saint-Martin, poursuivait jusqu'à la croix de mission, placée sur la place de la République, et revenait. Le trajet était volontairement court, à cause de la chaleur. 

En 1789

Une ville qui manque de piété ?


On a peine à le croire. Le curé Joseph Delcros-Terrats, nommé à Vic-en-Bigorre, le 22 janvier 1804, constate une déchristianisation profonde de la cité. Cet épisode de treize ans - commencé avec le curé Antoine Darrabiat originaire de Campan, qui ferme l’église Saint-Martin, le 12 juin 1791, se fait « jureur », devient « cultivateur » et se met en ménage avec Madeleine Lataste, châtelaine de Saint-Aunis, qu’il épousera en 1798 - fait suite à un manque de ferveur populaire constaté par le curé Jacques Rivière, en 1783. Une autre paroisse doit être rattachée à sa puissante voisine, Saint-Barthélemy de Baloc. Le curé de Vic, la fabrique et l’abbé Souville, archidiacre de Bazillac, perçoivent une dîme sur son terroir. En 1783, le curé de Baloc est Jean-Laurent Lalanne, natif de la Devèze. Il est là depuis 23 ans. Son vicaire assure le service à Liac, annexe de Baloc. Celui-ci reçoit de son curé la « portion congrue » de 250 livres par an. C’est très peu. Fort heureusement pour ses ressources, il partage le casuel avec le curé. Il réside au presbytère de Liac. À l’instar des exploiteurs patentés, le curé Lalanne vit sur son vicaire qui assure seul le travail des offices, baptêmes, mariages et enterrements dans les deux églises. Ce curé gère seul les fonds de Baloc sans rendre compte à quiconque. Enfin, les religieuses n’ont pas eu droit de cité, avant 1814, avec l’arrivée des premières sœurs de la Charité. L’essentiel des biens ecclésiastiques est constitué par les dîmes. Les biens fonciers vendus comme « biens nationaux », en 1790, couvrent une superficie de 368 journaux, soit 82,56 ha. La dîme est supprimée cette année-là. Durant la décennie 1780-1790, les impôts royaux oscillent entre 16100 et 17500 livres. En 1791, ils bondissent à 53340 livres et, en 1792, à 47851 livres. Comment est-ce possible ?
 

Église Saint-Martin, en 1789

Dessin de Rumeau

col. Claude Larronde

Maison Rosapelly

Perception de Vic-en-Bigorre

cliché Claude Larronde

En 1789, des impôts

en veux-tu, en voilà !

En 1789, Vic-en-Bigorre acquitte 5867 livres de taille, 2734 livres de capitation, 2661 livres de rachat de corvées, 6146 livres de vingtième. Au total, 17408 livres. La Révolution ajoutera une contribution mobilière de 8000 livres, foncière de 19685 livres, de droits supprimés de 1249 livres, patriotique de 24406 livres. Soit 53340 livres supplémentaires ! On comprend mieux le déficit de ferveur révolutionnaire. La taille est composée d'un impôt personnel, la «livre d’usage» payée par tous sauf les domestiques qui sont nombreux et d'un impôt foncier établi d’après le livre terrier de 1631 qui énumère toutes les propriétés. Et puis, il y a la dîme égale au dixième des récoltes. En 1783, le montant s’élève à 13600 livres dont 3400 livres pour le curé Jacques Rivière. La dîme ne frappe que les récoltes, pas les salaires, ni les revenus des commerçants et des professions libérales. Cet impôt royal ne dépasse pas 5 % du revenu global de la ville et, fort bien réparti, ne lèse personne. Les seuls biens nobles épargnés sont ceux d’Anne-Marie Thérèse Harader-Navailles pour les moulins du Claquet et de Latourréte, sur le canal des Moulins, celui de Pierre Pujo-Nouilhan pour le moulin du roi Henri IV, face à l'hôtel de Ville, et celui de Charles Pujo-Labatut pour le moulin de Clarac. Les notables prétendent payer plus d’impôts que l’ensemble des contribuables vicquois, ce n’est que fanfaronnade. Ils payent selon leurs possessions et la capitation est réglée sur un registre à part tenu à Tarbes. Tout le monde règle la «livre d’usage» qui s’élève à 1 livre, les veuves acquittent 10 sols. Les domestiques et les nouveaux arrivants ne la payent pas. La «livre foncière» frappe uniquement les propriétaires urbains ou ruraux. Enfin, la capitation et le vingtième sont répartis équitablement entre roturiers imposables.